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La question vaut la peine d'être posée d'autant plus que l'on observe, depuis l'époque de la 2ième République, d'une part, une tentative récurrente de récupération à caractère politicien dont est l'objet la société civile et, de l'autre, une propension, de plus en plus progressive, à s'investir dans la politique active - par effraction et par infraction, allais-je ajouter -, affichée par une branche de la société civile.
Il convient, dans cet ordre des choses, de rappeler la crise de leadership (M. Bahati Lukwebo versus B. Kasusula Djuma) qui avait secoué, au mois de mai 2001, la coiffure de la « Société Civile du Congo », Socico en sigle, crise à caractère politicien, provoquée par la volonté de se positionner par rapport au et en faveur du pouvoir en place à Kinshasa et qui avait débouché sur la révocation mutuelle (réciproque) du Président et du Vice-Président de cette association.
Me faut-il, pour mémoire, citer, ici, le comportement crapuleux dont avait fait montre avec ostentation une certaine société civile qui - après le Sommet de Lusaka (15.-16.02.2001), appelé aussi Lusaka III -, avait exigé le poste de Premier Ministre et 10 ministères dans le gouvernement de transition qui devait sortir du Dialogue intercongolais ? Dialogue dont la tenue n'était qu'une question de temps au motif que la « facilitation » sous l'empire de Ket Masire avait été reconduite à la suite de cette rencontre dont le point marquant avait été la dynamisation du processus de paix en RD du Congo. Je dis « une certaine société civile » parce que l'opinion qu'elle avait affichée n'était pas représentative de toute la société civile congolaise. La preuve en est qu'une autre composante de la société civile, « société civile - nouvelle dynamique », avait, à l'époque, récusé la « politisation de la société civile » et son implication dans la gestion quotidienne des affaires de l'Etat.
A ce qui précède s'ajoutent les gesticulations de certains politiciens congolais qui, classifiés « non-partants » pour Addis-Abeba, cherchent à se rabattre sur la société civile en vue de décrocher, à travers cette dernière, le visa pour la capitale de l'Ethiopie - autrement dit : à vêtir le manteau de la société civile pour atteindre leurs buts politiques. Ce, au détriment de l'humanitaire et de la cause nationale. De là à dire que leur primordiale préoccupation est de prendre part au partage du « gâteau », c'est-à-dire au partage du pouvoir, il n'y qu'un petit pas vite franchi...
La participation de la société civile au gouvernement est-elle conforme à son but qui, par nature, doit demeurer neutre, non-partisan ?
A la lumière de ce qui précède, force est de reprendre l'interrogation, en apparence provocatrice, sus-citée : existe-il une société civile en RD du Congo ? Ou est-il ici question d'une chimère qui exprime l'empressement des Congolais de répondre à l'attente de la communauté internationale en matière des droits de l'Homme?
Donner une réponse à ce questionnement, c'est éclaircir le concept, le vocable « société civile ».
Un coup d'oeil sur la littérature courante offre au curieux une gigantesque palette d'interprétations et de définitions. Pour les uns, la société civile est l'ensemble des personnes qui se positionnent quelque part entre l'Etat et la famille. Pour les autres, il faut, pour cela, un certain niveau d'organisation et les autres encore ne veulent pas renoncer à une relation active avec l'Etat.
L'origine de la société civile remonte au 19e siècle, à l'époque où en Europe, dans le cadre des discussions sur la nature de l'Etat, commençait à se confirmer la thèse selon laquelle l'Etat et la société ne constituaient pas un ensemble, mais, au contraire, ils seraient deux sphères séparées, l'une de l'autre, et ayant des fonctions et des compétences différentes. Il convient, dans cet ordre des choses, d'ajouter que l'ordre politique, social et économique qui détermine la vien en communauté, en société résulte de l'action combinée, aussi bien harmonieuse que conflictuelle, des deux sphères dont il est question ci-haut.
La question de la société civile s'était alors posée universellement au cours du processus global de démocratisation. Le credo de l'époque était que les réformes démocratiques ne pourraient connaître un succès durable que si elles sont stimulées, contrôlées et portées à partir d'en bas, donc par la société.
Lorsqu'au début des années 90, les Conférences nationales qui devaient déboucher sur le changement du système politique se constituèrent un peu partout en Afrique francophone, il avait paru que les branches d'une société civile qui, auparavant et des années durant, avaient été récupérées, mises au pas ou réprimées par des régimes autoritaires y avaient aussi refait surface. Ce développement semble avoir en son temps réjoui, enchanté l'Occident d'autant plus qu'il y voyait la possibilité de contourner avec l'aide de la société civile, comme une nouvelle interlocutrice, l'Etat postcolonial africain contreproductif, inefficace et décrié.
Dans son contexte congolais, la société civile était, par conséquent, réduite à deux fonctions : la démocratisation et le développement. Pour souligner l'existence (de fait) de la société civile en RD du Congo, l'on évoque, dès lors, volontiers la présence d'une presse - fonctionnant précairement, mais librement -, comme aussi la pléthore d'organisations non-gouvernementales. Presse et organisations non-gouvernementales qui s'occupent des problèmes liés à la promotion de la démocratie et au respect des droits de l'Homme. La question qui se pose alors est celle de savoir si le multipartisme et le pluralisme de la presse signifient à eux seuls qu'il y a exercice démocratique du pouvoir. En relation justement avec les organisations non-gouvernementales, on pourrait sans doute supposer que leur prolifération constitue, le plus souvent, une réaction motivée par l'économie du marché qui, dans le cas d'espèce, met face à face une offre des bailleurs de fonds extérieurs et une demande intérieure correspondante.
A la suite de ce développement, la condition fondamentale originelle - mais, comme auparavant, encore valable -, de l'existence d'une société civile, à savoir la séparation de l'Etat et de la société, était tombée dans l'oubli. Cette limite, cette ligne de démarcation est marquée par des sphères de compétence exactement délimitées. Elle est, en effet, variable dans la mesure où un Etat fort peut s'approprier des champs de compétence plus immenses, un Etat faible ou fragile, par contre, encore moins.
Mais pareilles lignes de séparation suivent en RD du Congo un parcours considérablement différent de celui en Europe. L'Etat congolais n'est pas à proprement parler une institution bureaucratique, mais plutôt une institution qui se fonde sur le culte de la personne et sur le clientélisme. Les lignes de séparation ne passent pas horizontalement entre l'Etat et la société, mais, au contraire, verticalement à travers l'Etat et à travers la société. Et ce, non pas au moyen des critères de compétence, mais des critères personnels, individuels.
Cela faisant, le secteur étatique, bien que devenu encore difficilement identifiable, s'associe tout de même à la société comme la société s'identifie avec l'Etat.
Le type idéal, de conception européo-occidentale, d'une société civile composée, il est vrai, de plusieurs éléments détachés et procédant aussi, tout à fait, individuellement dans son action sur l'Etat, mais considérée comme un ensemble (une unité) est représentée dans la réalité de la configuration politique congolaise par une société civile à plusieurs fractions constituées de plusieurs éléments de la société et de l'Etat qui, de nouveau, agissent avec ou contre d'autres fractions constituées d'éléments semblables.
En termes clairs, un membre de l'élite politique en RD du Congo tire généralement son pouvoir et sa légitimation des partisans qui lui sont totalement dépendants et dont il dispose à sa guise jusqu'au niveau des structures villageoises. Cette ligne d'influence peut être directe, mais elle peut aussi passer, en rapport avec des politiciens occupant de hautes fonctions, à travers des personnes interposées. En contrepartie, en échange de leur soutien, les dépendants, les partisans ont le droit de formuler des exigences qui doivent être satisfaites, de peur que la base du pouvoir ne s'effrite.
L'existence en grand nombre de ce clientélisme à contraintes distributives explique non seulement la difficulté de conférer une importance politico-électorale aux programmes des partis politiques, mais encore les cooptations et les vagabondages politiques récurrents que l'on observe fréquemment en RD du Congo.
Mais en relation avec la société civile, l'inexistence d'un corpus étatique concrètement définissable pose un problème d'identification. D'abord, la société civile, au travers de sa séparation avec l'Etat, se donne des contours, mais si l'Etat demeure sans contours, autant la société civile l'est aussi inévitablement. Un second élément constitutif de la société civile me semble être la naissance d'une conscience civique. Celle-ci avait, d'abord, pu s'imposer largement en Europe au moment où une migration en masse avait eu lieu à la suite de l'industrialisation et de l'urbanisation. Les populations rurales avaient été contraintes à quitter leur environnement habituel et familial et à vivre dans le voisinage de ceux qui étaient auparavant des étrangers. Les sociétés sont nées, issues de multiples communautés. Le système individuel de valeur, basé dans la communauté encore sur des points de référence familiale et concentré sur les solidarités parentales, était devenu, en s'élargissant, un système de valeur orienté sur l'Etat et sur l'universalité.
Les mouvements migratoires, aussi bien volontaires que forcés, s'observent sans cesse, actuellement, en RD du Congo. L'urbanisation n'y est pas un mot étranger. Mais, cependant, les gens se regroupent aussi, dans les villes, de préférence, sur base des critères familiaux ou ethniques. Ce qui, à l'extérieur, apparaît comme le début d'une transformation en société, d'une étatisation reste, cependant, orienté, à l'intérieur, sur des critères communautaires. Pour beaucoup, il semble que seule la communauté soit encore aujourd'hui, le lieu où ils peuvent trouver la sûreté et la sécurité que l'Etat du fait de l'insécurité et de l'inégalité des droits, encore existantes, n'est pas à même d'assurer, de garantir.
A cela s'ajoute le fardeau de l'héritage colonial. Les solidarités ethniques et économiques ont souvent un caractère transnational, mais imprègnent aussi des espaces vitaux correspondants à des frontières fixées arbitrairement. Une orientation idéelle sur un espace étatique déterminé devient, sûrement, de ce fait difficile. Il se pose alors la question de savoir si le vocable société civile, dans ces conditions, a une place dans la réalité congolaise. Ce qui ne semble pas du moins être le cas si l'on ne voudrait pas priver la société civile de sa signification originelle.
Berlin, le 12.9.2001