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La République Démocratique du Congo est entrée, le 2 avril 2003, dans une transition d'au moins deux ans avec l'endossement par l'ensemble des délégués au dialogue intercongolais de la constitution de transition et des résolutions de partage de pouvoir politique et militaire. Mais la réalité politique et militaire sur le terrain commence de plus en plus à faire germer, dans l'esprit des observateurs de la vie politique congolaise, l'idée d'une transition piégée.
En effet, de l'avis des observateurs et des analystes de la situation congolaise, le piège originel et majeur se trouve inscrit dans la constitution de la transition qui institue la structure de l'espace présidentiel composé d'un président et de quatre vice-présidents de la République. Cette structure comporte en soi les germes des conflits. Pour illustration, avant même que la structure ne soit constituée et devienne formellement opérationnelle, des discordances apparaissent. Joseph Kabila, Chef de l'Etat, décide de prêter serment sans se concerter avec les autres composantes, sans les Vice-Présidents et devant une Cour-Suprême de justice « de son obédience ». Tout naturellement, le RCD/Goma exprime son mécontement et met en doute la légitimité du serment prêté. Une autre illustration, au soir de la prestation de serment, Joseph Kabila annonce la signature imminente d'un décret d'amnistie pour des faits de guerre. Décret publié quelques jours plus tard. Le lendemain, à Gbadolite, on parle d'une décision d'amnistie de Jean-Pierre Bemba comme s'il continuait à gérer le territoire sous son contrôle sans l'accord politique global. A Goma, on appelle cela « se sentir lié à la Constitution et expédier les affaires courantes ».
Ces quelques illustrations font planer, dans certains milieux politiques de Kinshasa, le spectre du conflit Kasa-Vubu - Lumumba au lendemain de l'indépendance. Conflit qui a débouché sur leur neutralisation par le Colonel Joseph Mobutu. Depuis, le pays a glissé jusqu'au fond du gouffre où il se trouve aujourd'hui. Toujours sur le plan politique, et même politico-militaire, l'adoption et la promulgation de la Constitution, la prestation de serment du Chef de l'Etat ont lieu, mais les résolutions relatives au partage du pouvoir militaire ont été adoptées sans régler les questions du partage de ce pouvoir. Elles sont confiées à une réunion des Etats-Majors de différentes armées congolaises opérationnelles sur le territoire national qui se regardent en chien de faïence sur un front ou se rentrent dedans sur un autre.
Le manque des dispositions pratiques pour le partage du pouvoir militaire, mieux pour la sécurisation des animateurs de la transition va sans nul doute retarder la mise en œuvre effective du comité de suivi du dialogue et des institutions de transition.
Pendant ce temps, sur le plan militaire, les fronts s'enflamment littéralement : l'Ituri dans la province orientale à feu et sang avec le massacre de Drodro et ses environs. Les troupes ougandaises continuent à faire le nettoyage du secteur (Drodro), selon le commandant de l'UPDF, l'armée ougandaise. Dans la province du Nord Kivu, les troupes du RCD/Goma, soutenues par celles de l'APR, l'armée rwandaise, prennent, selon le RCD/ML de Mbusa Nyamwisi, successivement le contrôle des localités de Buniatenge, Mahanga et Bingi contrôlées jusque-là par les hommes de ce dernier.
Au Sud Kivu, les Mudundu 40, groupe armé Mai-Mai, et les troupes du RCD/Goma, tous les deux alliés du Rwanda, s'affrontent en plein cœur de Bukavu, chef-lieu de la province. Sylvain Mbuki, le commandant militaire du RCD/Goma, parle d'affront et menace le groupe Mai-Mai de représailles. Dans la province du Maniema, les combats ont lieu depuis plusieurs semaines empêchant les paysans d'avoir accès à leurs champs. Des villages entiers sont coupés du reste du monde.
Encore une fois, on parle de la présence des troupes rwandaises et burundaises. Officiellement, Kigali et Bujumbura nient. La mission onusienne est mise dans l'incapacité de vérifier : la tenue militaire étant l'unique élément de distinction. Dans tous les cas, le retour des armées rwandaises et burundaises, le renforcement des troupes ougandaises et celles de Kinshasa sur les différents fronts constituent un grain de sable dans la machine de la transition.
Sur le plan humanitaire, c'est une situation sans précédent dans le monde: plus de 3,5 millions de morts, près de 3 millions de déplacés intérieurs, 90% de la population sous-alimentés, 94% de foyers sans accès à l'électricité... Des chiffres qui traduisent une réalité socio-économique explosive à la longue.
Emmanuel Bosuka Nkele
Kinshasa le 16.04.03