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Nous avons reçu de Monsieur Rachel Albert Kisonga Mazakala, ex-Ambassadeur de la RDCongo en Belgique, le texte, en dessous, texte que nous soumettons, in extenso, à l'appréciation des visiteurs de notre site internet
Lorsque le Président Laurent Désiré Kabila avait annoncé sa décision de me nommer Ambassadeur à Bruxelles, je me suis tout de suite trouvé devant un parterre d'ennemis décidés à me combattre :
Léonard She Okitundu, Ministre des Affaires étrangères, se joindra à mes ennemis essentiellement en raison de la manière dont son homologue belge s'était pris pour lui exprimer, en ma présence, son excellente opinion sur ma modeste personne. A partir de ce moment, je devins pour lui un concurrent qu'il fallait écarter.
D'autres personnes pensent que Léonard Okitundu serait également un agent de l'ITP (international tutsi power). Je n'ai aucune preuve pour confirmer cette grave accusation. Cependant, on peut tout de même s'interroger sur le fait qu'à 12 mois d'intervalle, M. Okitundu ait cru nécessaire de nier, en contradiction avec son gouvernement, toute présence militaire burundaise au Congo. Ce qu'on sait aussi est que M. Okitundu, à l'époque envoyé spécial du Chef de l'Etat, avait entretenu des relations suivies avec les autorités burundaises.
C'est donc essentiellement sous la pression de ces trois facteurs que le Président Joseph Kabila mettra brutalement fin au mandat me confié par son père.
J'avais droit (j'ai toujours ce droit) de bénéficier ne fût-ce que d'une partie de mon traitement et des frais de transport pour regagner mon pays. Le Chef de l'Etat s'y était personnellement engagé envers moi mais je dois constater que mes ennemis sont parvenus à bloquer l'exécution de sa décision.
Ceci pour répondre aux nombreux lumumbistes qui s'interrogent sur ma situation. Qu'ils soient rassurés : je ne suis pas un exilé. Avec ma nombreuse famille de 11 enfants, mon retour à Kinshasa est conditionné par des moyens financiers que je n'ai pas encore.
Qu'on veuille bien me pardonner cette digression, mais j'ai cru nécessaire de poser ce préliminaire sur ma situation actuelle avec l'espoir de faciliter à mes compatriotes la compréhension des réflexions que j'ai décidées de leur livrer dans les lignes qui suivent. Je pensais pouvoir rapidement publier mes idées dans un livre que j'écris depuis un an mais je me suis rendu compte que les nécessités de la survie ne me permettront pas de le terminer dans un temps relativement court.
Pourquoi publier maintenant mes réflexions ? D'abord, c'est pour participer au débat en cours, que je suis sur Internet et dans la presse de Kinshasa. Ensuite, je me rends compte que le temps fait son œuvre. Beaucoup de mes compagnons sont morts, souvent sans avoir laissé de témoignage pour la postérité. Exemple : lors la séance qui avait réuni les dirigeants des mouvements nationalistes de la jeunesse autour de Patrice Lumumba en août 1960, il y avait : Dominique Tshiteya, Antoine Tshimanga, Emmanuel Nzuji, Arsène Dionge, Casimir Mbagira, Antoine Mandungu, François Kalala et moi-même. Seuls Casimirs Mbagira et moi sommes encore en vie.
J'ai connu personnellement Patrice Lumumba, grâce au fait que je travaillais et habitais avec Anicet Kashamura, son Ministre de l'Information. J'ai connu Joseph Kasavubu, reçu par mon père à notre maison à Bukavu, avant qu'il ne devienne Chef de l'Etat. Alors qu'il était au pouvoir, Joseph Kasavubu est intervenu pour me faire sortir de prison en 1962 où j'avais été jeté par la Sûreté. Il me recevra par la suite au cours d'une longue audience, d'abord en présence de Fulbert Luyeye puis en tête-à-tête. A un certain moment de sa vie, je devins un familier du Président Mobutu, ce dont peut témoigner Jacques Tshimbombo par exemple, au point qu'un jour, à l'issue d'une audience où j'avais été reçu en compagnie de Me Mukenge Ndibu, ce dernier s'étonna que je ne sois jamais devenu Ministre, tellement il fut impressionné par la familiarité que témoigna le Maréchal envers ma modeste personne. Laurent Désiré Kabila fut un ami, quoi que nos relations furent tumultueuses. Il me confia cependant l'Ambassade de Bruxelles, ce dont je serais à jamais reconnaissant envers sa mémoire, après que j'aie refusé son offre de faire de moi son Ministre des Affaires étrangères.
Aussi, j'estime, très humblement, posséder une petite expérience qui me permet d'émettre un point de vue susceptible d'enrichir le débat sur l'avenir de mon pays.
Ma réflexion est divisée en 3 parties :
Avec ses 2.400 millions km² de superficie, notre pays présente des aspects aux contrastes parfois fort saisissants entre des régions forestières, montagneuses et de savane. Il n'y a rien de commun entre la forêt du Mayombe et celle de la cuvette centrale (encore vierge dans sa grande partie) ou les clairières forestières du Kasaï, de même que les monts Bangu n'ont rien de comparable au Ruwenzori, tout comme les plaines faiblement boisées du Sud Katanga sont très différentes de la savane touffue des Uélé. Il en va de même de ses habitants. On rencontre tantôt des types très clairs de peau, comme chez les Topoke, les Bishugi (Bashi de Ngweshe), les Lulua etc, alors que les Alur et les Kakwa sont d'un noir de jais. Entre les deux, la majorité a la peau brun sombre, très majoritaire au sein de la race noire. Pour les langues, n'en parlons pas. Il semblerait qu'il y ait +- 400 dialectes au Congo.
Toutefois, malgré ces contrastes, le Congo paraît être un bloc soudé autour de la cuvette centrale ou plus exactement, autour du bassin du fleuve Congo. Et puis, ce qui est notable, plus de 90% des congolais ont le même fonds culturel : les rites funéraires sont les mêmes, les règles de mariage, la base alimentaire et la musique.
Du reste, le peuple congolais a fait la démonstration, depuis le début de l'agression de ses voisins de l'Est, de la profondeur du sentiment national congolais. Des stratégies conçues notamment dans certains milieux outre-atlantique avaient fait croire que l'invasion militaire étrangère allait entraîner l'implosion du Congo, espérant que ses tribus allaient s'étriper entre elles. Rien de cela ne s'est produit, au contraire. Le seul endroit où existe une guerre civile au Congo c'est l'Ituri, et encore celle-ci est entretenue par l'Ouganda et le Rwanda.
Il reste cependant que le Congo, notre Congo dont nous sommes si fiers, est une création coloniale. Même décrié pour la très grande brutalité dont il fut montre à l'égard des populations, Léopold II n'en est pas moins le fondateur du Congo, le créateur de l'Etat indépendant du Congo. A ce titre, il est notre ancêtre. En tout cas, moi je ne serais pas né si la colonie n'avait pas permis à mon père de parcourir 3.000 km de son Bas-Congo natal jusqu'au Kivu où il rencontra ma mère.
Or, 80 ans seulement après la création du Congo, le colonisateur s'est retiré, et dans quelles conditions ! En deux semaines, tous les cadres belges de l'administration, des entreprises industrielles et commerciales furent rapatriés, laissant les Congolais seuls aux prises avec les réalités de la gestion d'un Etat moderne auxquelles ils n'avaient pas été préparés.
80 ans, c'est juste un peu plus de 3 générations, si on prend 25 ans pour une génération. A la réflexion, on se rend compte que le pari était impossible à tenir. Nous venons d'une culture qui n'a jamais connu ni la roue, ni le gouvernail, ni la charrue, ni le cheval pour le transport, ni même pas la vache pour la grande majorité de nos tribus. Nous ne sommes pas des consommateurs de lait, quelques tribus frontalières de l'Est mises à part. Notre culture ignore la tradition des grands travaux, et n'a pas bâti des villes, lesquelles induisent des conditions de gestion autrement plus contraignantes. Comme tout Noir, j'éprouve une fierté légitime à la démonstration de Cheik Anta Diop sur le rôle de nos ancêtres dans la civilisation égyptienne. Cependant, le domaine de la linguistique mis à part, j'ai de la peine à établir une filiation entre la brillante civilisation qui a construit les pyramides et notre monde nègre. Il ne faudrait cependant pas conclure que notre culture est sans valeur, au moment où la preuve a été faite que nos ancêtres savaient forger les métaux, le fer notamment. Hélas, faute d'écrits, personne ne sait plus la manière dont ils pouvaient obtenir les hautes températures nécessaires à la fonte du fer et d'autres métaux.
Plus grave, les esprits attardés qui gouvernaient la Belgique en 1960 décidèrent de saboter l'indépendance, accordée d'ailleurs avec hypocrisie, en destituant les dirigeants nationalistes qui avaient le projet de « montrer au monde ce que l'homme noir peut accomplir lorsqu'il œuvre dans la liberté » au profit d'un groupe d'agents de la sûreté belge n'ayant pour seule ambition que de jouir de la vie : de l'argent facile (beaucoup d'argent), les plus belles femmes, les plus belles voitures, les plus belles villas, à telle enseigne qu'ils accouchèrent d'un régime mondialement qualifié de kléptomane. Après 30 ans d'un tel régime, il est loisible de constater que le Congo est en panne d'élites, malgré les milliers de personnes ayant acquis un diplôme universitaire.
De surcroît, nos traditions ne nous ont pas préparés à la gestion d'un Etat vaste et multi-tribal. En somme, c'est la tribu qui est notre stade d'évolution naturelle. Au sein de la tribu, les repères sont clairs. Notre évolution de la tribu vers la nation est un phénomène exogène, colonial. C'est un processus encore en élaboration, loin d'être achevé mais qui semble s'être plus enraciné (ce qui est paradoxal) au sein des masses populaires que des élites.
En matière d'élites, s'il est vrai que le régime actuel est bien en dé ça de celui de Mobutu pour ce qui est de la formation scolaire ou universitaire, il reste que l'un et l'autre s'équivalent quant à l'insuffisance de la conscience politique des dirigeants. A certains égards, les dirigeants actuels risquent d'être plus sévèrement jugés que les précédents, car les comportements de prédation et de légèreté paraissent plus inacceptables à la mesure de l'accroissement de la précarité des conditions de vie des populations. En effet, à titre d'exemple, les dirigeants congolais se croient obligés de voyager en première classe (5.000 dollars Kinshasa-Bruxelles au lieu de 900 dollars) pour soit-disant garder leur rang. Cette attitude est perçue par ceux qui nous observent comme une véritable tragédie. Pour ce qui me concerne, en tant qu'Ambassadeur, je n'ai jamais voyagé qu'en classe économique. Un tel comportement, dans les conditions économiques actuelles du Congo, témoigne de la parfaite inconscience des dirigeants.
C'est en raison de l'inconscience des élites qu'un rapport américain produit en 1985 arriva à la conclusion de notre incapacité à gérer notre pays. L'année suivante, Yoweri Museveni accéda au pouvoir en Ouganda. Une étude d'une grande institution financière internationale préconisa l'immigration de 50 millions de Chinois au Zaïre d'alors afin d'exploiter ses immenses ressources au profit de l'humanité. L'ITP, devenu très actif après son succès en Ouganda et dont les agents avaient gouverné (Bisengimana) longtemps avec Mobutu, entreprit un travail de lobbying chez les Anglo-Saxons pour convaincre ces derniers d'écarter l'hypothèse de l'immigration massive des Chinois au profit d'un mandat de colonisation indirecte en sa faveur. Ses arguments étaient les suivants : « ces gens (les Congolais) même avec des dirigeants inconscients n'en ont pas moins un amour propre. Pour preuve, ils avaient demandé l'indépendance aux Belges. Confiez-nous le mandat de les diriger, nous sommes noirs comme eux, les populations accepteront d'autant plus facilement ». Voilà ce qui explique la guerre menée chez nous par l'ITP, coalition dont l'Ouganda ne semble plus faire partie maintenant.
Cette explication est nécessaire pour dessiller les yeux de ceux qui croient que c'est Laurent Désiré Kabila qui a amené les Rwandais au Congo. Ils y ont été 30 ans avant son avènement. Kabila n'avait été qu'un deuxième choix pour les agresseurs, après qu'ils aient échoué à recruter un homme politique du Kivu. Ils s'étaient adressés à Antoine Marandura, originaire d'Uvira, qui dut décliner l'offre en raison des représailles que sa famille n'aurait pas manqué de subir de la part des membres de sa tribu. C'est alors que, en désespoir de cause, ils tombèrent sur Laurent Kabila. Les agresseurs avaient commencé la guerre sans Kabila. Ils auraient pu la mener sans lui.
Les concepteurs de la stratégie de l'invasion rwandaise sont des Rwandais qui ont travaillé avec Mobutu, et qui connaissent bien nos faiblesses. Ce sont eux qui indiquent à Kagame les actions à mener, notamment en Ituri. Le prochain volcan sera le Kasaï, où malheureusement il n'y a aucune politique d'anticipation crédible du régime. Celui-ci ne se rend certainement pas compte que le Kasaï, après l'Ituri, constitue le ventre mou du Congo. Même s'ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes, les Kasaïens sont très frustrés par le fait que le pouvoir leur échappe depuis l'indépendance. Dès lors, ils sont prêts à faire alliance avec n'importe qui, y compris le diable, pour conquérir le pouvoir. Pourtant, s'ils avaient appuyé un homme comme Mulumba Lukoji, il est probable qu'ils auraient pris le pouvoir en 1991. Mais nos compatriotes, qui ont donné au Congo ses plus brillants universitaires, se révèlent être de piètres stratèges politiques. Deux personnes m'ont dit, un Anglais et un Belge, que Joseph Kabila aurait dû confier la vice-présidence à un kasaïen, Tumba Luaba par exemple, pour essayer de contrer le feu que tout le monde voit venir au Kasaï.
Le sort du Congo est en jeu, nonobstant ce que pensent la plupart de mes compatriotes. Il y a quatre ans, la résistance face à l'agression a fait dire que l'agresseur n'avait aucune chance. C'est mal le connaître. Il est convaincu que tôt ou tard, il aura le dernier mot dans ce conflit, c'est à dire au minimum mettre la main sur le Kivu, si non contrôler en même temps le pouvoir à Kinshasa.
Qu'on l'accepte ou pas, il apparaît clairement que c'est le Rwanda qui dicte sa loi, aussi bien sur le plan militaire que diplomatique. Certes, en expulsant son armée de Kinshasa le 2 août 1998, Laurent Désiré Kabila lui avait infligé une défaite. En réalité, le leader congolais n'avait fait que retarder les échéances. Depuis, la stratégie de Kagame, menée avec intelligence, a ramené le Rwanda au centre du jeu politique congolais comme partenaire légitime. Le Rwanda a déjà un des siens comme vice-Présidents ; il a ses Ministres au sein du Gouvernement congolais, ses généraux dans l'armée, ses agents dans nos services de sécurité.
Comment en est-on arrivé là ? Le point de départ est Lusaka. Si on nous avait écoutés, la suite des événements aurait certainement été autre. Dès le déclenchement de la guerre, nous avions prévenu le Président Kabila de la nécessité de mettre sur pied, sans délai, une équipe de stratèges pour préparer les inévitables futures négociations. Dans les colonnes de Demain le Congo, nous avions même avancé une dizaine de noms. Nous suggérions de faire prévaloir la vision de l'union sacrée pour sauver la patrie en danger, laquelle aurait amené le Président de la République à réunir les plus brillantes intelligences nationales autour de lui. Malheureusement, le lobby katangais spécialement réussit à pousser le Chef de l'Etat dans la logique de la préservation de son pouvoir pour permettre à ses membres d'en jouir. Aussi, les équipes de nos négociateurs, quoi qu'ayant eu au sein d'elles certaines grandes intelligences, péchèrent d'abord par un manque criant d'expérience. Aucun de nos délégués n'était coutumier de grandes négociations internationales. Sous d'autres cieux, la composition d'une équipe des négociateurs, surtout pour des enjeux aussi importants, prend en compte des facteurs qui vont au delà de la seule capacité intellectuelle, voire de l'expérience. On choisit aussi des personnes ayant une grande résistance physique pouvant par exemple supporter la faim tout en conservant pleinement leurs moyens intellectuels, des champions du sexe si en face il y a aussi des femmes, des locuteurs de la langue de l'ennemi, des gens maîtrisant l'alcool etc..Nous avions même écrit que dans certaines traditions, chez les Bakongo tout comme chez les Anglo-saxons par exemple, on recourt aux services des négociateurs extérieurs, en cas de besoin.
Les dirigeants congolais ne semblent pas du tout prendre réellement conscience du danger. D'ailleurs, même en dehors des gens travaillant pour le Rwanda au sein du régime, il y a des hommes politiques (de l'AFDL ou non) qui croient possible de collaborer avec Kagame, exactement comme y avaient cru les Twagiramungu, les Seth Senashonga, les Pasteur Bizimungu.
La résistance à l'impérialisme rwandais est certes d'abord une affaire de patriotisme, mais également d'intelligence. Il est incroyable qu'à un moment donné, le Congo ait confié ses services de sécurité, que les Anglais appellent « Intelligence service » à des semi-lettrés. Le Congo doit mettre en place une mécanique intellectuelle capable de produire des analyses très poussées devant préparer les décisions des dirigeants. S'il y a lieu de se féliciter de l'existence, depuis un an, d'un bureau des stratégies animé par un intellectuel plein de talents, Pierre Lumbi, on ne peut cependant pas se cacher le fait que ce bureau n'est encore rien en comparaison à l'impressionnante machine de guerre de l'ITP. Pour faire une parenthèse, c'est à partir du moment où j'avais écrit à Théophile Mbemba, Directeur de cabinet du Chef de l'Etat, pour lui proposer de créer une structure de conception des stratégies de 20 personnes hautement qualifiées, rémunérées comme des Ministres, que mes ennuis avec mon gouvernement avaient commencé. Serait-ce un hasard ? Je ne le crois pas.
Nous devons avoir l'honnêteté de reconnaître la supériorité des Rwandais sur nous. Ces gens ont créé il y a plus de 300 ans une Nation forte. Autant les Chinois étaient convaincus être au centre de l'univers, autant les Rwandais pensaient, avant l'arrivée de l'homme blanc, être les maîtres du monde.
Ce sont des gens qui avaient forgé des armées, des administrations pour récolter l'impôt sur un vaste territoire. Leurs armées ont mené des expéditions dans toute la région, nécessitant une logistique admirable. Chez eux, un général mérite réellement sa fonction, ce qui n'est pas, hélas, le cas chez nous. A l'époque de Mobutu, le Maréchal avait fait fusiller les meilleurs de ses officiers pour les remplacer par ses frères de tribu, dont certains montaient de grade deux fois par mois. On connaît le résultat.
Les Rwandais sont des gens à prendre très au sérieux, parce que leur détermination à au moins prendre une partie du Congo, et à imposer certains des leurs à la tête de notre gouvernement ne souffre d'aucun doute. Leur culture est une culture de conquête. Leur méthode est la ruse, la perfidie et le glaive. Dans leur culture, il n'y a pas de coopération pacifique possible avec le voisin, si non lorsqu'elle leur est imposée par la force. Leurs armées avaient mené de nombreuses guerres sur la rive occidentale du lac Kivu, mais les peuples locaux, les Bashi en particulier, leur avaient victorieusement résisté, au point que les armées du Bushi les avaient poursuivies sur leur territoire et occupé une partie du Rwanda pendant longtemps. Les Rwandais eux-mêmes appellent la région entre Gikongoro et le lac Kivu le pays des Bashi, « Ubunyabungo ». Récemment, Laurent Désiré Kabila seul a pu mettre en échec leur stratégie et leur infliger une cuisante défaite à Kinshasa. Jusqu'il y a 40 ans, le père de mon ami Nicolas Kahasha, un notable du territoire de Kabare, se rendait tous les mardis au Rwanda pour y trancher des conflits au nom du Mwami Kabare. Cela veut dire qu'ils ne sont pas invincibles s'il existe une volonté intelligente de leur résister. La nécessité de placer aux commandes les meilleurs d'entre nous est une question de vie ou de mort pour le Congo.
Il serait suicidaire de sous-estimer les Rwandais. Ils sont d'une redoutable efficacité. Dans leur histoire, la femme est abondamment utilisée dans les stratégies de pénétration. Une formation est donnée aux filles, choisies parmi les plus belles et les plus intelligentes. Elles sont alors envoyées au front pour défendre la cause commune. Les Rwandais font preuve d'un sérieux que nous n'avons pas. Même lorsqu'ils boivent, ils échangent, au moment où la bière incite les Congolais à écouter une musique de plus en plus bruyante, à danser et à se livrer à la luxure. D'ailleurs l'une de nos grandes faiblesses est notre attachement excessif au sexe. Le Congo est certainement l'un des pays les plus portés à l'activité sexuelle de la planète. Entre le moment d'aborder dans la rue une femme (peut-être mariée) qu'on ne connaît pas et celui de consommer l'acte, il peut se passer moins de 10 minutes. Or, dans nos traditions, interdiction est faite aux combattants de fréquenter les femmes avant d'aller à la guerre. Qui s'en soucie encore ? En plus, les Rwandais possèdent un jeu traditionnel, le gisoro, qui ressemble au jeu d'échec, apte à développer les facultés intellectuelles. Un Rwandais arrive à l'heure à ses rendez-vous et est sérieux dans ses engagements. Ils donnent aux Occidentaux l'image des personnes responsables, ce qui n'est pas toujours le cas des Congolais. Tout comme un officier rwandais ne reçoit un commandement que par le mérite, leurs diplomates sont bien choisis. Il est impensable qu'un zozo se retrouve comme ambassadeur, comme on le voit en RDC.
Les agresseurs sont quotidiennement informés sur tout ce qui se passe chez nous et ne manquent pas de faire part de nos bévues auprès des Occidentaux. C'est pourquoi les hélicoptères rwandais peuvent attaquer les populations de Kanyabayonga à la lance-flamme sans que ni Washington ni Londres ne réagissent. Aujourd'hui, Ruberwa est vice-président. C'est un pas important que le Rwanda vient de faire vers le pouvoir à Kinshasa. S'il faut croire le général Habyarimana qui vient de se réfugier en Suisse, la présence d'officiers rwandais au sein de l'Etat-Major de l'armée congolaise se traduira immanquablement par l'assassinat du Chef de l'Etat. C'est le schéma classique appliqué tout au long de leur histoire. Ils arrivent en amis, offrent leurs filles et le lait de leurs vaches, puis, un jour, alors qu'ils ont été acceptés comme des frères, ils se lèvent en armes et massacrent sans pitié. C'est dur à dire mais c'est cela l'histoire de nos agresseurs.
Toutefois, si les Rwandais ont quelques lieux d'histoire d'avance sur nous, il y a à souligner deux choses :
Puisque nous sommes voisins, condamnés par conséquent à vivre ensemble, il est fondamental que nous relevions le défi de les convertir (ils sont nos frères) à l'idée de la coexistence pacifique dans le respect mutuel et l'égalité. Il faut chercher à travailler avec ceux d'entre eux (il y en a) qui ne sont plus tributaires de cette culture médiévale ayant pour fondement le mépris de l'autre. Dans le monde d'aujourd'hui, la ruse et la témérité ne suffisent pas à conférer le leadership. Celui-ci est d'abord le fait d'une économie performante, qui rayonne sur les autres.
Profiter de la piètre qualité des élites congolaises pour continuer à humilier et massacrer les Congolais ne peut pas présager d'un avenir sécurisant entre voisins. Quels que soient les lobbys qui travaillent pour eux, le monde n'acceptera pas la main mise du Rwanda sur le Congo, au seul motif que les élites congolaises sont des « Ibichuchu » (idiots), comme ils aiment nous qualifier. Les Allemands ont naguère dit la même chose des Slaves. On sait ce qu'il leur en avait coûté. Il suffit d'un minimum de bonnes décisions pour que le Congo soit en mesure, en quelques mois seulement, d'écraser militairement le Rwanda. Il est donc dangereux de penser pouvoir construire durablement sur une supériorité militaire nécessairement factice. Il y a, au sein du peuple congolais, une capacité militaire potentielle qui ne demande qu'à être exploitée. Nul n'oublie que les soldats congolais, bien encadrés, ont battu les Allemands à Tabora et les Italiens à Gambela. Les Rwandais eux-mêmes se souviennent de la raclée leur infligée par le général Mahele à Gabiro, qui les obligera à mettre 4 ans pour prendre le pouvoir à Kigali.
Parmi les raisons qui ont conduit à ma défénestration, j'avais proposé au Président de la République de prendre les décisions suivantes :
1. Changer la loi sur la nationalité afin de nommer des ministres blancs choisis parmi ceux qui sont nés chez nous, parlent nos langues, sont mariés à nos compatriotes et surtout exercent une profession chez nous.
Il ne s'agit plus d'en faire des conseillers mais des décideurs politiques, avec nous. Les postes à leur confier seraient les suivants : Ministères des Transports, de l'Agriculture, de la Santé, de la Fonction publique, de l'Enseignement, de l'Industrie, du Commerce, Gouverneur de la Banque centrale, Procureur général de la République, Inspecteur général de la Police, Commissaires de district.
2. Rendre obligatoire l'acte de la Conférence nationale exigeant que toute personne nommée à une fonction de l'Etat soit obligée de déclarer publiquement ses biens et que son entrée en fonction soit conditionnée par l'épreuve de feu au Parlement au cours de laquelle sont testées ses capacités intellectuelles et son intégrité morale.
Sans moraliser la vie publique au Congo, il ne faut guère s'attendre à la bonne gouvernance. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, on peut constater que toutes les tares du régime Mobutu se sont reproduites sous Kabila I et II.
On peut comprendre que j'aie été diabolisé dans l'entourage du Président. Pourtant, je considère que le schéma que je propose est le seul capable de sauver notre pays. Dans un tel schéma, c'est le Congo qui serait invité à annexer le Rwanda et le Burundi pour supprimer à jamais toute menace de génocide consécutive aux affrontements Hutu-Tutsi. Je persiste et signe.
Lorsqu'on examine la situation de l'Afrique noire, les pays qui marchent assez bien, autour de l'Afrique du Sud, sont ceux où il y a des Blancs au gouvernement. Qu'on me comprenne bien. Je ne me sens pas méprisable parce que noir. Cependant, je cherche à comprendre pourquoi, alors que nous avons fondu le fer, notre évolution s'est arrêtée. Nous n'avons pas connu d'accumulation à cause des moyens de production demeurées rudimentaires. N'ayant pas connu d'accumulation, nous n'avons pas formé des agglomérations qui auraient pu devenir des villes. Les conséquences de cette situation se retrouvent dans notre comportement. Or, heureusement ou malheureusement, nous sommes dans un monde de globalisation où l'on attend de nous les mêmes comportements que les autres. C'est la raison pour laquelle j'estime que nous devons faire appel à ceux qui vivent avec nous, croient en nos pays et ont lié leur sort à lui. Il ne s'agit pas d'un appel à une nouvelle colonisation. Quoi de plus normal qu'un malade qui connaît son mal fasse appel au médecin capable de le guérir ?
Par contre, je n'approuve pas l'idée d'une co-administration internationale de Me Nimy. Et ce n'est pas seulement parce que Me Nimy compte parmi ceux qui ont geré avec M. Mobutu. Mais, c'est vrai, il a été Président de la Cour suprême, Directeur de Cabinet du Chef de l'Etat pendant 11 ans, Ministre, Conseiller spécial. Tous les membres de sa famille ont assumé une responsabilité au sein du régime. Par pudeur, il aurait été mieux inspiré de se taire. Ensuite, vu l'expérience de la Mission des Nations Unies au Congo, la certitude de bénéficier d'une expertise crédible est loin d'être assurée.
L'autre piste de solution serait de créer une fédération avec l'Angola, dont la quasi-totalité des dirigeants parle la langue française. Voici deux pays complémentaires de façon exemplaire : les mêmes populations exactement de part et d'autre de la longue frontière de 2.700 Km ; l'abondance des ressources dans les deux pays, l'Angola possédant plus de pétrole alors que le Congo est riche en minerais et possède sans doute l'un des potentiels agricoles et hydroélectriques le plus riche du monde. Les deux pays possèdent des territoires immenses et sont faiblement habités, l'Angola étant moins peuplé encore. S'ils décidaient de s'unir, ils créeraient un noyau qui attirerait immédiatement des pays comme le Congo/Brazzaville et le Centrafrique. D'autres s'y ajouteraient plus tard.
L'avantage immédiat pour nous congolais serait de contrer définitivement, grâce à la capacité militaire et diplomatique angolaise, les ambitions expansionnistes rwandaises. La machine militaire angolaise est la seule, dans la région, à pouvoir rabattre le caquet aux militaristes de l'ITP. Sur le plan diplomatique, les Angolais ont une excellente lecture des relations internationales, dont ils ont fait la démonstration en renversant en faveur de leur pays l'alliance des Etats Unis avec l'Unita. En effet, l'Unita était le seul mouvement, avec les Contras du Nicaragua, à émarger directement au budget de la Cia et on se rappelle de la chaleureuse réception donnée par le Président Ronald Reagan au « combattant de la liberté » Jonas Savimbi.
Serais-je un renégat ? Non. Mes convictions demeurent fondamentalement les mêmes mais exprimées aujourd'hui à l'aune d'une expérience politique de 45 ans. Au demeurant, si le lumumbisme, auquel je reste fidèle, est considéré, et à juste titre, comme l'expression d'un nationalisme fort, il n'est ni anti-blanc, ni même anti-occidental ainsi que les milieux réactionnaires belges l'ont présenté dans le dessein de diaboliser Patrice Lumumba. On oublie de le rappeler, le leader congolais était un chaud partisan de la communauté belgo-congolaise. Ayant forgé sa pensée à Stanleyville, dans un milieu extra-coutumier loin de ses origines tribales, il avait cru en la possibilité de la construction d'une nation non seulement multi-ethnique mais aussi multi-raciale. Ses idées sont clairement exprimées dans le seul livre qu'il a eu le temps d'écrire « Le Congo, terre d'avenir, est-il menacé » paru au lendemain de sa mort.
Il est vrai cependant que face à la réaction raciste du pouvoir colonial, Patrice Lumumba a radicalisé sa lutte, et n'a plus jamais parlé de communauté belgo-congolaise sans pourtant jamais la renier.
Le défi qui se pose à l'Afrique noire à ce jour est tel que nous avons le devoir de la preuve quant à notre capacité « à gérer un espace », rien de moins. Nous, qui avons eu la chance de voyager à l'étranger au début des indépendances, avions pu constater le niveau élevé qui était celui du Congo par rapport notamment aux pays asiatiques. 40 après, nos états ne tiennent plus que par la perfusion de l'aide occidentale alors que l'Asie est en plein développement. La quasi-totalité du revenu national est accaparé par les villes, et à l'intérieur de celles-ci, par les élites dont la seule motivation est d'augmenter leur standing de vie. Il n'y a, à proprement parler, pas un seul pays noir où les élites croient nécessaire de lier leur sort à celui des populations. Chez nous, l'ascension sociale consacre la rupture définitive avec son milieu d'origine : on émigre vers le quartier des Blancs.
On ne revient vers la population que lors des campagnes électorales.
A l'heure actuelle, l'Afrique noire reçoit à peine 1% d'investissements privés mondiaux. En 40 ans, sa part dans le commerce mondial est passée de 19% à 1%. Mais si le schéma que je propose était accepté (il ne faut pas s'empêcher de rêver), des milliards de dollars seraient attirés par notre pays. Avec nos immenses ressources naturelles et la qualité de la main d'œuvre congolaise (que les ingénieurs japonais ayant construit le pont Maréchal avaient unanimement apprécié), notre économie connaîtrait un boom fantastique, les Congolais ne s'expatrieraient plus et au contraire beaucoup reviendraient construire leur avenir dans leur pays. Bien plus, l'onde de choc parti du Congo obligerait les Africains à chercher enfin à forger leur destin sur leur continent au lieu de s'expatrier massivement.
On peut mesurer, à cet égard, la responsabilité du Congo vis-à-vis de l'histoire. Du reste, la nature ne fait rien au hasard. Le Congo est bien le cœur de l'Afrique. Malgré l'affaiblissement du pouvoir à Kinshasa du fait essentiellement de la guerre, je demeure convaincu que notre destin peut radicalement changer si Joseph Kabila, notre Président, trouve en lui le courage nécessaire de prendre les décisions pouvant changer le cours de l'histoire.
R. Albert Kisonga Mazakala
Charleroi le 06.07.03