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Dans notre papier de la semaine dernière (« Enfin.., le peuple congolais a voté »), nous écrivions en relation avec le message du Président national de l'UDPS au peuple congolais : « laissons le temps au temps ». Avec raison. Deux jours après la déclaration de M. Etienne Tshisekedi, déclaration qui a surpris, pour ne pas dire pris au dépourvu, plus d'un observateur de la scène politique congolaise, le Secrétaire général de l'UDPS a adressé deux lettres à la Cei et au CIAT.
M. Rémy Massamba, car c'est de lui qu'il s'agit, demande à la Cei « de bien vouloir procéder à la réouverture, dans les meilleurs délais, des bureaux d'enrôlement des électeurs pour une couverture nationale optimale ». Ce, afin de permettre aux Congolais qui, pour une raison ou une autre, ne s'étaient pas, jusqu'à ce jour, fait enregistrer de le faire en vue de leur participation aux prochaines échéances électorales.
Dans la lettre de l'UDPS au CIAT, il est aussi question des « engagements pris lors des discussions secrètes portant sur la question 'd'homonymie' » - autrement dit : de la guerre autour du label que se livrent trois partis politiques qui utilisent l'acronyme UDPS (l'Union pur la Démocratie et le Progrès Social). Tout en refusant de rejoindre le gouvernement et le parlement de Transition, l'UDPS a demandé, dans sa requête à la Cei - avec copie au Représentant du Secrétaire général des Nations-Unies en RD Congo, William Lancy Swing - , qu'elle soit représentée au sein de deux Institutions d'appui à la démocratie : la Cei et la Haute Autorité des Médias (Ham).
« Déclaration qui a surpris plus d'un observateur de la scène politique congolaise", disions-nous. En effet, « surpris », c'est bien le mot d'autant plus que l'UDPS, à travers ses dirigeants, a toujours pratiqué la « politique de la chaise vide » par rapport à la Transition initiée à la suite de l'Accord global et inclusif de Sun City (Afrique du Sud) et appelé, dernièrement, avec force, au boycott d'un de ses corollaires, à savoir le scrutin référendaire.
Il va sans dire qu'il se pose ici la question de savoir le pourquoi de ce revirement du Parti de M. Etienne Tshisekedi.
Par rapport à ce « changement brusque et complet de position » du Président national de l'UDPS, les avis restent partagés et les commentaires vont bon train. Alors que les uns qualifient le chef historique de l'opposition congolaise de « versatile », les autres se réjouissent du fait que la « fille aînée de l'opposition congolaise » se soit, enfin, impliquée dans le processus électoral en cours. Ainsi, les électeurs congolais pourront, sans exclusive d'aucune sorte, indiquer leurs préférences, lors de prochains scrutins, en choisissant librement ceux à qui ils confieront la légitimité de les représenter.
Nous ne devons, cependant, pas perdre de vue que le peuple congolais, à travers sa participation au référendum et son « oui » massif, plus de 80 % des voix exprimées, par rapport au projet de Constitution de la 3e République, a marqué, de façon indélébile, son embarquement, son ancrage dans le train devant le mener aux élections libres, démocratiques et transparentes. Elections, allions-nous ajouter, appelées à mettre fin à la Transition que ces princes qui nous gouvernent sans délégation de pouvoirs de notre part étirent en happening pluriannuel. Face à cette vérité d'évidence, l'UDPS a été contrainte à revoir sa copie. Ce qui est, à notre entendement, juste, bien qu'elle l'ait fait tardivement. Ne dit-on pas, avec raison, que la seule constante de l'histoire est le changement et que les événements dans leur turbulence et leur foisonnement constituent, comportent des scènes toujours en mouvement ? Ne pas reconnaître cette vérité d'évidence, c'est naviguer à contre-courant de la volonté exprimée, sans ambages, par le peuple congolais en disant « oui » au projet de la Loi Fondamentale soumis à référendum en décembre dernier.
Nous venons, juste au moment où nous nous apprêtions à clore ce papier, d'apprendre que la Cei, évoquant le manque de temps et les contraintes budgétaires, a rejeté la requête de l'UDPS sollicitant la réouverture des bureaux d'inscription. Toutefois, une possibilité, selon le prononcé du Président de la Commission électorale indépendante, reste ouverte à tout citoyen congolais qui ne s'était pas fait enregistrer et se porterait candidat : il pourra, lors du dépôt de sa candidature, se faire enregistrer. Nous revoilà à la case départ... Pour ce qui concerne l'autre partie de la requête de l'UDPS, à savoir son intégration au sein de la Cei et de la Ham, la Commission électorale indépendante n'a, jusqu'ici, soufflé aucun mot.
Ce qui, à plus d'un titre, étonne est la méthode utilisée par la Cei pour répondre à la requête de l'UDPS, à savoir la voix des ondes. Méthode qui témoigne d'un manque manifeste de courtoisie. A une lettre ne répond-on par une lettre ?
Pour l'UDPS, cette décision de la Cei qu'elle juge politique et partielle a pour but de l'écarter du processus électoral. Elle demande au Ciat de continuer sa médiation pour garantir la participation inclusive de toutes les forces politiques aux prochains scrutins. Ce, conformément à la volonté du Conseil de sécurité de l'ONU : « personne ne peut ni s'auto-exclure ni être exclue de prochaines élections ».
Autant il sera, à travers cette décision de la Cei, possible aux Congolais, non-enrôlés et non-identifiés, candidats aux prochaines élections de se faire enrôler et identifier lors du dépôt de leurs candidatures, autant elle exclut ceux qui ne se porteraient pas candidats dans le cadre d'échéances électorales prévues avant le 30 juin 2006.
La question à laquelle les spécialistes en matière constitutionnelle se doivent, sans tarder, de répondre est celle de la conformité de cette décision avec la Constitution de Transition ; et pour cause...
L'argumentaire avancé par l'institution citoyenne chargée d'organiser les élections en RD Congo pour rejeter la requête de l'UDPS ne résiste, pour moult raisons, guère à l'analyse. L'exemple du Burundi, pays voisin de la RD Congo, où les élections avaient été aussi, en grande partie, financées par la communauté internationale a montré, à suffisance, qu'il est possible de procéder à l'enrôlement et à l'identification des électeurs jusqu'à quelques jours avant les scrutins. Nos contradicteurs diront que, compte tenu de l'immensité du territoire congolais (démocratique) et de l'état désastreux des infrastructures routières en RD Congo, le « l'exemple burundais » n'y est pas applicable. Nous restons convaincus que l'on peut limiter la réouverture des bureaux d'enrôlement et d'identification des électeurs aux chefs-lieux des provinces et aux grands centres.
Comme nous l'avions, dans l'un de nos papiers publiés ultérieurement, évoqué, nous sommes d'avis que les prochaines élections en RD Congo ne sont « inclusives » que de nom d'autant plus que les Congolais qui ont eu ou auront l'âge de voter, c'est-à-dire donnant droit à la participation au vote, après la date-limite d'enrôlement et d'identification, sont automatiquement privés de leur droit citoyen de choisir leurs élus. Il en est de même de ceux qui s'étaient trouvés à l'étranger et ont regagné le territoire national après la clôture d'enregistrement et d'identification. Vivant en Allemagne, nous savons pertinemment que pour les citoyens allemands qui, le jour de vote, atteignent l'âge donnant droit à la participation au scrutin, un modelé morphologique est mis à leur disposition pour leur permettre d'exercer sans entrave leur droit citoyen.
Il y a aussi un fait marquant dont il ne faut pas perdre de vue en RD Congo : l'interférence de plus en plus manifeste de la communauté internationale dans le processus électoral. Dans le cas du Congo démocratique, en comparaison avec ce qui s'était passé partout ailleurs - et nous citons ici le Timor oriental et le Kosovo -, l'immixtion de la communauté internationale que nous avons l'habitude de désigner par l'adjectif « virtuel » n'avait pas revêtu ce caractère néo-colonial.
Le grand porteur de cette politique que nous croyions à jamais révolue depuis le 30 juin 1960 est le Commissaire européen en charge du développement et de l'action humanitaire, M. Louis Michel. Nous est-il utile de rappeler son arrogance et ses gesticulations, à Kinshasa, juste après le référendum ?
Congolaises et Congolais, n'ayons pas peur de prendre notre destinée et celle de notre pays en mains propres. Il y va ici de la stabilité post-électorale de la RD Congo.
Mieux vaut tard que jamais, dit-on...
Berlin, le 10.1.2005