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A l'occasion du 47e retour annuel de l'assassinat de notre Héros National, Patrice Emery Lumumba, je me suis donné une difficile tâche, à savoir celle de rendre compte, en peu de mots, de ses idées et de son héritage politiques. Je dis ici « une difficile tâche » parce que, depuis son élimination politique et physique, les forces du mal et leurs laquais n'ont eu de cesse d'empêcher que P.E. Lumumba et son action politique deviennent une source d'inspiration pour les peuples opprimés...
C'est dire que, en vue de faire obstacle à la naissance, à l'apparition d'un « nouveau Lumumba », les idées et le combat de notre Héros National contre la domination coloniale et néocoloniale devaient être effacés absolument de la mémoire collective.
Pour ce faire, ils s'étaient attelés et continuent à s'atteler à s'opposer, à tout prix, à la réalisation de son projet nationaliste. Un projet nationaliste qui, demeurant jusqu'à ce jour d'actualité, vise à l'érection d'un Etat unitaire et à la mise sur pied d'une économie et d'une politique de développement qui tiennent compte des aspirations profondes et des besoins urgents et majeurs de la population congolaise.
La conséquence en est que, plus de quarante ans après son assassinat, P.E. Lumumba continue à être mal compris et mal interprété ; et pour cause. Lors de la présentation d'un ouvrage collectif publié dans le cadre de la commémoration du 7e anniversaire de l'assassinat du Président L.-D. Kabila, un des auteurs a regretté qu'il y ait, jusqu'à ce jour, peu d'écrits sur Patrice Emery Lumumba.
Le drame de ce visionnaire, de ce politique hors pair dans le contexte congolais et dont la position vis-à-vis de la Belgique et de l'Occident était, de son vivant, marquée par un caractère non virulent avait résidé dans le fait que ces derniers l'avaient toujours considéré comme un agitateur dangereux et d'obédience communiste. Le qualificatif « communiste », Lumumba l'avait rejeté, à moult reprises, lors de ses multiples contacts avec la presse. En vain. La réalité, c'est que Lumumba était un « nationaliste libéral » qui, pour paraphraser ici Ludo de Witte, n'était pas seulement un Premier Ministre démocratiquement élu, mais le chef de fil d'un courant, d'un mouvement nationaliste embryonnaire qui, au cas de sa victoire sur l'Occident, aurait changé positivement le cours, la marche de l'histoire en Afrique et dans le Tiers Monde.
Les africanistes européens et nord-américains, se référant aux clichés occidentaux propagés à l'époque sur le premier Chef du gouvernement congolais démocratiquement élu, décrivent Lumumba comme un homme qui, sans une vision claire et sans un plan d'action bien défini, avait déclaré la guerre contre l'Occident et, en retour, était devenu rapidement victime du chaos de la crise congolaise qu'il avait en grande partie provoquée, enclenchée. Une façon de chercher à effacer le temps. Peine perdue, allais-je ajouter...
Ce qu'il faut, tout d'une haleine, critiquer et rejeter, c'est la lecture de la vie politique de Lumumba, une lecture qui ne tient pas compte de l'intervention des Nations Unies, minimise les interférences occidentales dans les affaires congolaises et caractérise Lumumba comme un homme se trouvant en déphasage avec les réalités de son époque et, avant tout, opiniâtre..
L'apparition de Lumumba dans l'histoire congolaise et africaine était si prompte et si courte - J.P. Sartre le décrit comme un « météore au firmament de la politique africaine » -, l'apparition de Lumumba dans l'histoire congolaise et africaine, disais-je, était si prompte et si courte que les observateurs demeurent indécis par rapport à sa tragédie. Serait-ce parce que sa tragédie symbolise, à la fois, un rêve incroyable et une réalité difficile ?
Qui était, en réalité,Patrice Emery Lumumba, et quel était le contenu de ses idées politiques ?
Deux événements datant de 1958 - je fais allusion ici à l'Exposition Universelle de Bruxelles et au Congrès panafricain de Accra (Ghana) -, présentent une césure dans l'évolution politique de Lumumba. L'on peut, en conséquence, parler de la « période avant 1958 » et de la « période après 1958 » pour caractériser la vie politique de Lumumba.
Ainsi vais-je me limiter, dans les lignes qui suivent, à la « période après 1958 ». Je m'empresse, néanmoins, de souligner que les activités politiques de Lumumba dans la « période avant 1958 » avaient eu lieu dans le cadre de ce que le paternalisme colonial avait défini, à savoir l'idée de l'égalité des droits entre les Congolais et les Européens. Ce, au sein de la « communauté belgo congolaise ». Cela était aussi l'opinion défendue par les « évolués », c'est-à-dire ceux qui, pendant la colonisation, avaient reçu une formation scolaire moyenne et faisaient partie de l'élite autochtone.
L'exposition universelle de Bruxelles avait offert à Lumumba et aux autres membres de la délégation congolaise, en provenance de différentes régions du pays, d'un côté, de prendre contact, pour la première fois, avec les milieux politiques de la Belgique et, de l'autre, de se connaître personnellement et d'échanger sur la situation dans la colonie. D'autant plus que, suite à d'énormes distances les séparant au Congo et à la politique de l'Administration coloniale interdisant ce genre de contacts qui, par surcroît, étaient rendus à dessein difficiles, pour ne pas dire étaient quasi impossibles, dans la colonie.
Pour Lumumba, la « période après 1958 » se caractérise par son rejet de l'idée de « l'égalité des droits et de l'assimilation dans le cadre d'une communauté belgo congolaise » et son appel pour une véritable décolonisation au profit du peuple congolais. Pour atteindre ce but, il avait développé un nationalisme, appelé aussi Lumumbisme, dont les points suivants servaient de référent conceptuel opératoire :
Son ami et collaborateur de nationalité belge, Jean van Lierde, que je cite ici de mémoire note dans cet ordre des choses : si l'Exposition Universelle de Bruxelles de 1958 avait joué un rôle de catalyseur dans le sens d'unifier les courants politiques congolais qui étaient entachés du tribalisme et du provincialisme, force est de préciser que seul Lumumba, à l'époque, avait été capable d'élaborer une doctrine qui contenait des concepts supra ethniques. Concepts supra ethniques qu'il avait intégrés dans une politique de neutralité positive et dans un panafricanisme qui impliquaient la globalité de la libération de l'ensemble des peuples colonisés.
Cependant, sa vision de l'avenir du pays cadrait avec la vue de la Belgique, à savoir l'option pour l'unitarisme, les tendances unitaires de la République du Congo. Un unitarisme qu'il n'avait eu de cesse de proclamer et qui était le résultat naturel de son combat contre le tribalisme et contre la sécession téléguidée à partir de Bruxelles.
Le séjour bruxellois avait aussi permis à Lumumba comme aussi aux membres de la délégation congolaise de rencontrer des Africains originaires d'autres pays colonisés et de prendre contact avec des journalistes d'origine et de tendances diverses. Ainsi, P. E. Lumumba avait fait la connaissance du journaliste belge cité ci-dessus, Jean van Lierde. Celui-ci avait contribué, d'après ses dires, à sensibiliser les Congolais, entre autre Lumumba, à la participation au Congrès Panafricain de Accra où il leur avait été donné l'occasion de vivre la conscience (de soi) des Etats indépendants africains.
La Négritude à laquelle Lumumba s'était référé n'était qu'un élément fondamental de la perception et d'enracinement qui lui avait possibilisé de sensibiliser le peuple congolais dominé pour la lutte mondiale contre l'oppression et l'exploitation. C'est dire que le Lumumbisme prend ses racines dans la Négritude prônée par Aimé Césaire - Aimé Césaire dont le nom n'est plus, aujourd'hui, évoqué lorsque l'on parle de la Négritude.
Afin de ne pas sortir du cadre du présent papier, je renonce à une annotation complète des œuvres de Aimé Césaire. Force est, néanmoins, de souligner que A. Césaire, contrairement aux chantres de vieilles « cultures nègres », répugne à magnifier celles-ci. Il ne vise pas à la réduplication des sociétés anciennes et laisse cet exercice aux « amateurs de l'exotisme ». Pour A. Césaire comme aussi, plus tard, pour F. Fanon, la réhabilitation des cultures détruites par la colonisation a pour fonction de réhabiliter le colonisé et de reconstituer son identité culturelle.
Le discours surprise, devenu célèbre, prononcé par Lumumba, le 30 juin 1960, devant le monarque belge et les diplomates venus du monde entier s'inscrit dans la logique de l'apologie illimitée de la « Négritude » version Aimé Césaire et caractérise la force des idées politiques de Lumumba. Il (le discours surprise) est impressionnant parce que son contenu donne la parole au mouvement de masses. Pour Lumumba, l'accession à l'indépendance n'était pas une victoire octroyée, un cadeau offert par les colonialistes, mais le résultat d'une lutte pacifique et d'un combat non-violent. Il s'était fait le devoir de transformer le sens et la signification de cette lutte et de ce combat au profit de son peuple et des peuples d'autres Etats du Tiers Monde en une politique anticoloniale positive.
En dépit de son éphémère vie politique, Lumumba avait laissé, dans une lettre adressée à son épouse, son testament politique. Testament politique dans lequel il avait réaffirmé son combat contre le néocolonialisme et déposé son irréfragable, son irréductible détermination quant à ce qui a trait à la victoire finale de la révolution anticoloniale.
Une relecture de la presse belge et internationale de l'année 1960 montre l'influence de Lumumba sur le plateau de la balance des puissances mondiales de son époque. Alors qu'il était cloué au pilori par ses détracteurs, Lumumba avait, en réalité, incarné l'espoir d'un grand nombre des populations du Tiers Monde. Si l'on relit ses allocutions ou l'on analyse les événements autour de son assassinat, l'on découvre partout un homme politique d'envergure pour lequel la parole donnée ou prononcée était sacrée. Ce qui l'avait parfois poussé à croire que la parole suffisait pour gouverner. C'était l'envers de sa force car la parole semblait toujours attester que la foule communiquait avec la force magnétique de son regard alors que sa solitude, par contre, était immense.
L'assimilation du souvenir politique de Lumumba avec les acquis de sa personne trouve son explication dans l'inexistence, l'absence d'un mouvement politique capable de continuer son combat politique et de mettre en action les véritables valeurs de ses convictions et ses objectifs politiques. En d'autres termes, ce qui a, jusqu'à ce jour, manqué, c'est un mouvement populaire qui fait siens, adopte les buts politiques de Lumumba et place la libération du pays du néocolonialisme à l'ordre du jour.
A la suite de Ludo de Witte, l'on peut dire que la courte carrière politique de Lumumba et, finalement, son élimination politique et physique ont conduit à une forte démoralisation au sein des tenants du nationalisme panafricain et ont eu une conséquence dévastatrice sur le développement du continent africain. Le ralentissement de la décolonisation des territoires sous domination portugaise, la neutralisation momentanée du mouvement antiapartheid en Afrique du Sud, la prorogation accordée au régime de Ian Smith en Rhodésie et le renversement de Ben Bella en Algérie peuvent être cités ici comme illustration de ce défaut de développement...
Comme dit ci haut, Lumumba est entré dans l'histoire comme un « météore », mais il a aussi marqué l'histoire du Congo de son emprise. Le peuple congolais et les peuples du Tiers Monde y reconnaissent le début d'une nouvelle ère. Pour cette raison, Lumumba n'est pas seulement une figure légendaire, mais aussi un espoir pour la jeunesse africaine laquelle est prête à lutter pour la liberté politique et la justice sociale.
Voici, en peu de mots, mon portrait de l'Homme dont l'histoire se souviendra encore longtemps bien que ses idées et sa démarche politiques continuent, 47 ans après son assassinat, à être le sujet d'un débat controversé en Europe, dans le Tiers Monde et dans son pays d'origine.
¹Le présent texte, traduit de l'allemand en français, devait être placé
sur le web, la semaine dernière. Suite à un problème technique, cela n'était
pas possible. Veuillez m'en excuser. Pour lire le texte original (en langue
allemande), raccourci d'un papier que j'avais présenté lors d'un Panel sur
la RD Congo en 2002 à Francfort sur le Main, cliquez
http://www.archiv.kongo-kinshasa.de/kommentar/kom_058.php